Sentier, site du Centre culturel et patrimonial d’Inverness X Musée du Bronze
La série capteurs de temps a été produite lors d’une résidence d’artiste à la Cabane du 6e rang, une cabane à sucre située à Plessisville.
Créer avec des matériaux naturels est cyclique, puisque soumis aux aléas des saisons et des matériaux disponibles. L’art de la vannerie se pratique en hiver. Le saule sauvage et les autres bois à vannerie doivent être cueillis aux premières neiges, lorsque les feuilles sont tombées, que la sève s’est tarie et que le bois est gelé. Le bois doit ensuite être conservé à l’extérieur, au froid, pour éviter qu’il ne sèche. Le bois est entré à l’intérieur une heure avant la création, afin qu’il dégèle et soit flexible et doit être utilisé dans les heures qui suivent, car plus il sèche, plus il sera cassant.
La série capteurs de temps a été créé pour être exposée à l’extérieur et être modifiées par les éléments de la nature (pluie, vent, soleil, animaux) et les saisons qui passent (gel, dégel, sécheresse). L’artiste documente les changements de formes et de couleurs qui surviennent avec le temps. Les photos des œuvres qui évoluent selon les saisons font autant partie de l’œuvre, que l’œuvre physique elle-même.
Marie-Aube Laniel est une artiste multidisciplinaire qui critique l’American way of life. Depuis son avènement dans les années 50, le bonheur a pris le visage de la société de consommation et du bien-être matériel. Cependant, plus de sept décennies plus tard, les courbes ascendantes de l’anxiété, du stress et des dépendances démontrent que, malgré les promesses de bonheur de l’esthétisation et de la marchandisation effrénée du monde, l’hypertrophie du consumérisme ne rend pas plus heureux et l’exploitation matérielle de la planète a atteint son seuil critique. Constats funestes auxquels s’ajoute l’érosion des droits élémentaires des femmes à l’échelle planétaire et leur vulnérabilité accrue face aux changements climatiques.
Par son art, l’artiste communique l’impératif de réfléchir à des stratégies de limitation/réorientation de la croissance industrielle et de la consommation des biens manufacturés pour ainsi sortir du stéréotype du bonheur basé sur des besoins artificiels et briser le cercle de la liberté factice. Elle croit fermement qu’il est temps de mettre un terme à ces conceptions unidimensionnelles qui multiplient insécurité, inégalités et désengagement social, véritables rouages de la sixième extinction massive.
Pour partager cette réflexion à la croisée de la théorie économique, de l’histoire et de l’anthropologie, Marie-Aube Laniel privilégie divers médiums naturels (cheveux de femmes, saule, graphite et fibres végétales) qui rendent possible une représentation du monde à travers ses nuances et ses textures. Elle confronte le patriarcat en mettant en valeur le « matrimoine » lié aux arts domestiques traditionnels trop souvent sous-valorisés et en rendant hommage aux femmes trop longtemps invisibilisées. Par cette utilisation contemporaine des métiers artisanaux et l’utilisation de matériel gratuit et disponible pour tous, elle souhaite que l’humain s’identifie à ce qu’il crée, plutôt qu’à ce qu’il achète. Elle s’inspire ici d’Arthur Lochman et de ses écrits sur « l’éthique du faire » qui opposent la solidité des métiers artisanaux à la dématérialisation et à la fluidité contemporaine.