Sentier, site du Centre culturel et patrimonial d’Inverness X Musée du Bronze
L’exposition de land art «En suspension» est la suite de l’exposition «Capteurs de temps» qui fut présentée par l’artiste en 2023 au Musée du Bronze. Suite à son exploration du temps et de l’effet de la température et des intempéries sur les structures sculpturales, l’artiste entreprend une étude du rapport à l’espace et à la matière par l’utilisation du jeu des corps mobiles en suspension.
L’agissement des forces entretient un dialogue organique et aléatoire étroit entre l’œuvre et l’espace. La construction narrative est dynamisée par la temporalisation de l’espace, par la répétition ou l’opposition de formes. L’artiste documente le jeu des ombres et lumières variant au fil des jours et du positionnement de la matière en suspension. Le corpus d’œuvres est entièrement biodégradable et réalisé grâce à divers végétaux québécois.
Marie-Aube Laniel est une artiste multidisciplinaire qui critique l’American way of life. Depuis son avènement dans les années 50, le bonheur a pris le visage de la société de consommation et du bien-être matériel. Cependant, plus de sept décennies plus tard, les courbes ascendantes de l’anxiété, du stress et des dépendances démontrent que, malgré les promesses de bonheur de l’esthétisation et de la marchandisation effrénée du monde, l’hypertrophie du consumérisme ne rend pas plus heureux et l’exploitation matérielle de la planète a atteint son seuil critique. Constats funestes auxquels s’ajoute l’érosion des droits élémentaires des femmes à l’échelle planétaire et leur vulnérabilité accrue face aux changements climatiques.
Par son art, l’artiste communique l’impératif de réfléchir à des stratégies de limitation/réorientation de la croissance industrielle et de la consommation des biens manufacturés pour ainsi sortir du stéréotype du bonheur basé sur des besoins artificiels et briser le cercle de la liberté factice. Elle croit fermement qu’il est temps de mettre un terme à ces conceptions unidimensionnelles qui multiplient insécurité, inégalités et désengagement social, véritables rouages de la sixième extinction massive.
Pour partager cette réflexion à la croisée de la théorie économique, de l’histoire et de l’anthropologie, Marie-Aube Laniel privilégie divers médiums naturels (cheveux de femmes, saule, graphite et fibres végétales) qui rendent possible une représentation du monde à travers ses nuances et ses textures. Elle confronte le patriarcat en mettant en valeur le « matrimoine » lié aux arts domestiques traditionnels trop souvent sous-valorisés et en rendant hommage aux femmes trop longtemps invisibilisées. Par cette utilisation contemporaine des métiers artisanaux et l’utilisation de matériel gratuit et disponible pour tous, elle souhaite que l’humain s’identifie à ce qu’il crée, plutôt qu’à ce qu’il achète. Elle s’inspire ici d’Arthur Lochman et de ses écrits sur « l’éthique du faire » qui opposent la solidité des métiers artisanaux à la dématérialisation et à la fluidité contemporaine.